Textes philosophiques

Plongez dans une exploration profonde de la vie et de la mort avec notre sélection de textes philosophiques. Que vous cherchiez à comprendre les concepts mystérieux de la mort ou à découvrir de nouvelles perspectives sur ce sujet éternel. Profitez d'un voyage de réflexion et de découverte.

LES RECITS HASSIDIQUES

Très peu de temps après la mort d’un juste, ami de Rabbi Mendel de Worki, un Hassid vint rendre visite à ce dernier, lui rapportant qu’il avait assisté à la mort de cet ami. « Comment cela s’est-il passé ? » demanda le rabbi. « Très bien, répondit le visiteur, comme quand on passe d’une pièce dans la pièce voisine. Ah non, protesta Rabbi Mendel, mais comme d’un coin à l’autre de la même chambre ! »

Martin Buber

Dans les plus belles légendes juives,

Le soleil se lève…
On dit que lorsque rabbi Akiva est mort, Rabbi est né ; lorsque mourut Rabbi, naquit rabbi Yehouda ; quand Rabbi Yehouda mourut, naquit Rabba ; lorsque Rabba mourut, naquit rav Achi… Tout cela pour dire qu’aussitôt qu’un juste disparaît du monde, un autre juste naît ainsi qu’il est écrit : « Le soleil se lève, le soleil se couche » (Eccl. 1,5).

Victor Malka

DE LA BRIEVETE DE LA VIE

C’est pendant la vie entière qu’il faut apprendre à vivre, c’est pendant la vie entière qu’il faut apprendre à mourir.

Sénèque

Pourquoi opposer vie et mort ?
C’est comme l’eau et la glace.
Quand l’eau gèle, elle devient glace,
Avec le dégel, elle coule à nouveau.
Tout ce qui meurt doit renaître,
Tout ce qui naît retourne à sa source.
Glace et eau ne s’offensent pas l’une l’autre,
Vie et mort sont belles tour à tour.

Han-Chan, poète chinois du VII siècle, adepte du tch’an-zen

La naissance et la mort sont comme des bulles sur l’eau. L’eau est réelle, les bulles sont éphémères ; elles s’élèvent hors de l’eau, puis y retombent. De même, Dieu est un grand océan dont les bulles sont les âmes. Par Lui elles naissent, en Lui elles existent, à Lui elles retournent.

Râmakrishna

Je suis debout au bord de la plage
Un voilier passe dans la brise du matin et part vers l'océan.
Il est la beauté, il est la vie.
Je le regarde jusqu'à ce qu'il disparaisse à l'horizon.
Quelqu'un à mon côté dit :
"Il est parti !"
Parti ? Vers où ?
Parti de mon regard. C'est tout...
Son mât est toujours aussi haut,
Sa coque a toujours la force de porter sa charge humaine.
Sa disparition totale de ma vue est en moi,
Pas en lui.
Et juste au moment où quelqu'un près de moi dit : "il est parti !"
Il en est d'autres qui, le voyant poindre à l'horizon et venir vers eux,
S'exclament avec joie :
"Le voilà !"...
C'est ça la mort.

William Blake

Quelqu'un meurt,
Et c'est comme des pas
Qui s'arrêtent.
Mais si c'était un départ
Pour un nouveau voyage...
Quelqu'un meurt,
Et c'est comme une porte
Qui claque.
Mais si c'était un passage
S'ouvrant sur d'autres paysages...
Quelqu'un meurt,
Et c'est comme un arbre
Qui tombe,
Mais si c'était une graine
Germant dans une terre nouvelle...
Quelqu'un meurt,
Et c'est comme un silence
Qui hurle.
Mais s'il nous aidait à entendre
La fragile musique de la vie...

LES YEUX

Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l'aurore ;
Ils dorment au fond des tombeaux
Et le soleil se lève encore.
Les nuits plus douces que les jours
Ont enchanté des yeux sans nombre ;
Les étoiles brillent toujours
Et les yeux se sont remplis d'ombre
Oh ! qu'ils aient perdu le regard,
Non, non, cela n'est pas possible !
Ils se sont tournés quelque part
Vers ce qu'on nomme l'invisible ;
Et comme les astres penchants,
Nous quittent, mais au ciel demeurent,
Les prunelles ont leurs couchants,
Mais il n'est pas vrai qu'elles meurent.
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Ouverts à quelque immense aurore,
De l'autre côté des tombeaux
Les yeux qu'on ferme voient encore.

René-François Sully Prudhomme

CE QUE C’EST QUE LA MORT

Ne dites pas : mourir ; dites : naître. Croyez.
On voit ce que je vois et ce que vous voyez ;
On est l'homme mauvais que je suis, que vous êtes ;
On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fêtes ;
On tâche d'oublier le bas, la fin, l'écueil,
La sombre égalité du mal et du cercueil ;
Quoique le plus petit vaille le plus prospère ;
Car tous les hommes sont les fils du même père ;
Ils sont la même larme et sortent du même œil.
On vit, usant ses jours à se remplir d'orgueil;
On marche, on court, on rêve, on souffre, on penche, on tombe,
On monte. Quelle est donc cette aube ? C'est la tombe.
Où suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnu
Vous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu,
Impur, hideux, noué des mille nœuds funèbres
De ses torts, de ses maux honteux, de ses ténèbres ;
Et soudain on entend quelqu'un dans l'infini
Qui chante, et par quelqu'un on sent qu'on est béni,
Sans voir la main d'où tombe à notre âme méchante
L'amour, et sans savoir quelle est la voix qui chante.
On arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sent
Fondre et vivre ; et, d'extase et d'azur s'emplissant,
Tout notre être frémit de la défaite étrange
Du monstre qui devient dans la lumière un ange.

Victor HUGO

Alors, Almitra parla, disant, Nous voudrions maintenant vous questionner sur la Mort.
Et il dit :
Vous voudriez connaître le secret de la mort.
Mais comment le trouverez-vous sinon en le cherchant dans le cœur de la vie ?
La chouette dont les yeux faits pour la nuit
sont aveugles au jour ne peut dévoiler le mystère de la lumière.
Si vous voulez vraiment contempler l'esprit de la mort,
ouvrez amplement votre cœur au corps de la vie.
Car la vie et la mort sont un, de même que le fleuve et l'océan sont un.
Dans la profondeur de vos espoirs et de vos désirs
repose votre silencieuse connaissance de l'au-delà ;
Et tels les grains rêvant sous la neige, votre cœur rêve au printemps.
Fiez-vous aux rêves, car en eux est cachée la porte de l'éternité.
Votre peur de la mort n'est que le frisson du berger
lorsqu'il se tient devant le roi dont la main va se poser sur lui pour l'honorer.
Le berger ne se réjouit-il pas sous son tremblement, de ce qu'il portera l'insigne du roi ?
Pourtant n'est-il pas plus conscient de son tremblement ?
Car qu'est-ce que mourir sinon se tenir nu dans le vent et se fondre dans le soleil ?
Et qu'est-ce que cesser de respirer, sinon libérer le souffle de ses marées inquiètes,
pour qu'il puisse s'élever et se dilater et rechercher Dieu sans entraves ?
C'est seulement lorsque vous boirez à la rivière du silence que vous chanterez vraiment.
Et quand vous aurez atteint le sommet de la montagne, vous commencerez enfin à monter.
Et lorsque la terre réclamera vos membres, alors vous danserez vraiment.

Khalil Gibran, Le Prophète